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BALKIARA LA GRANDE GUERRIERE PHILOSOPHE

Si mes écrits vous dérangent, sachez que vous n'êtes pas obligés de venir les lire.

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Musée d'Orsay : exposition Degas Danse Dessin

--> Paris le 24 Février 2018

DEGAS DANSE DESSIN

HOMMAGE A DEGAS AVEC PAUL VALERY


A l'occasion du centième anniversaire de la mort d'Edgar Degas, disparu le 27 Septembre 1917, le musée d'Orsay rend hommage à l'artiste à travers les mots d'un poète. C'est en effet à un ouvrage remarquable de l'écrivain et philosophe Paul Valéry (1871-1945) que la présente exposition emprunte son titre, et à ses phrases ciselées qu'elle propose de dialogue avec les œuvres de Degas.

Car ce texte capital, nourri par une amitié de vingt ans entre les deux hommes, se distingue par sa profondeur et sa poésie, et compte assurément parmi les témoignages les plus sensibles et les plus féconds qui furent donnés de Degas. Par sa forme fragmentaire, qui n'en fait pas une biographie, et par son ton, tour à tour intime et universel, Degas Danse Dessin dessine in fine un double portrait : celui de l'artiste, que Valéry évoque avec la liberté qu'autorise une grande proximité, et celui du génie, l'ouvrage s'offrant également comme une méditation sur la création. Aussi le feuillettera-t-on ici au fil des salles et au gré des images formulées par l'écrivain, laissant la beauté des mots éclairer la magie des œuvres.

Photo 1 : "Visite à l'atelier de Bartholomé", vers 1890, A. Rouillé-Ladevèze (1834-1910), épreuve argentique
Photo 2 : "La danseuse" (sonnet), E. Degas, La Revue musicale, numéro spécial : "Le ballet au XIXe siècle", 1er décembre 1921 -  Paris : Éditions de La Nouvelle Revue Française.
Sur la page de gauche :
"Danse, gamin ailé, sur les gazons de bois.
Ton bras maigre, placé dans la ligne suivie.
Équilibre, balance et ton vol et ton poids,
Je te veux, moi qui sais, une célèbre vie."
Sur la page de droite :
"Nymphes, Grâces, venez des cimes d'autrefois :
Taglioni, venez, princesse d'Arcadie,
Ennoblir et former, souriant de mon choix,
Ce petit être neuf, à la mine hardie."
Photo 3 : "Sonnets", 1914, E. Degas - Première édition originale par Alexis Rouart



Les sonnets de Degas n'ont longtemps été connus que de ses proches, Valéry rapporte qu'à un dîner où le peintre évoquait sa difficulté à en composer, se plaignant que ce n'était pourtant pas les idées qui lui manquaient, Mallarmé lui avait répondu : "Mais, Degas, ce n'est point avec des idées que l'on fait des vers... C'est avec des mots".
Certains sonnets ont été publiés du vivant de leur auteur par Arlexis Rouart, dans une édition limitée à 20 exemplaires. Un autre, "La Danseuse", a ensuite paru dans un numéro spécial de la Revue musicale, en 1921, à la suite d'un texte de Valéry, l'Âme et la danse : coïncidence ? Enfin, huit sonets sont plus largement diffusés, en 1946, quand ils paraissent aux éditions La Jeune Parque.

Photo 1 : "Edgar Degas", vers 1860, Anonyme, épreuve sur papier albuminé à partir d'un négatif sur verre au collodion
Photo 2 : "Edgar Degas assis à une table dans un jardin" vers 1889-1890, Albert Bartholomé (Thivernal-Grignon 1848 - Paris 1928), Aristotype
Photo 3 : "Sonnets" feuillets manuscrits autographes, E. Degas


Photo 1 : "Portrait de l'artiste avec Évariste de Valernes, vers 1865, E. Degas, Huile sur toile
Photo 2 : "Portrait de l'artiste, étude pour Degas et Évariste de Valernes, vers 1865, E. Degas, crayon noir sur papier très fin contrecollé sur papier plus épais
Photo 3 : "Apothéose de Degas, 1885, E. Degas, épreuve argentique à partir d'un négatif sur verre au gélatino-bromure d'argent. Tireur : Walter Barnes (1844-1911) :
Cette célèbre image marque l'intérêt de Degas pour la photographie, environ dix ans avant qu'il ne s'y consacre lui même. Elle a été réalisée au cours de l'été 1885, à Dieppe, pendant un séjour de l'artiste chez ses amis Halévy, devant la maison, voisine, du docteur Émile Blanche.


Photo 1 :"Edgar Degas à ses débuts" vers 1860, Joseph Tourtin (1825-après 1870), épreuve sur papier albuminé à partir d'un négatif sur verre au collodion
Photo 2 : "Boîte de pastels d'Edgar Degas (H 3,5  L 21  P 20 cm) Dans une boîte à cigares, Degas rangeait ses pastels, les violets d'un côté et les verts de l'autre, comme les marques sur l'intérieur du couvercle le laissent supposer. Ces bâtonnets reposent sur une couche de coton fibreux les protégeant des chocs. L'objet à l'aspect peu ragoûtant qui les accompagne est une estompe, outil du dessinateur utilisé pour estomper les traits de pastels. Il a été réalisé de manière artisanale par l'artiste probablement à partir de bouts de cartons trempés dans l'eau et compactés à la main. On voit d'ailleurs l'empreinte des doigts de Degas sur cet instrument qui servit au délicat travail du pastel.
Photo 3 : Palette d'Edgar Degas


Photo 1 : "Edgar Degas Stéphane Mallarmé", 1910, Paul Valéry (Sète 1871 - Paris 1945), Cire
Photo 2 : "Étude de main tenant une palette", vers 1855, E. Degas, huile sur papier
Photo 3 : "Portrait de Degas", 1906, Maurice Denis (Granville 1870 - Paris 1943), huile sur toile collée sur carton


Photo 1 : "Stéphane Mallarmé et Auguste Renoir dans l'appartement du 40 rue de Villejust", 1895, E. Degas, épreuve gélatino-argentique.
Degas a réalisé, de 1895 au tournant du siècle, une série de photographies de ses proches ou figurent les Halévy, les Niaudet, Mallarmé, Renoir, les cousines Bogillard de Julie Manet, c'est-à-dire le cercle que Valéry allait bientôt intégrer.
Cette photographie, prêt exceptionnel de la Bibliothèque Doucet, a été prise au 40 rue de Villejust à Paris, dans l'appartement que Julie Manet a continué d'habiter après la mort de sa mère Berthe Morisot. On y voit Renoir (assis) et Mallarmé (debout), devant un miroir où Degas se reflète fantomatiquement derrière l'appareil. Mme Mallarmé et sa fille Geneviève sont également reflétées.
Paul Valéry a reçu de  Degas ce cliché qu'il considérait comme le plus beau portrait de Mallarmé et qu'il a, écrit-il, "jalousement" conservé.
Photo 2 : texte se trouvant sous la photo précédente
Photo 3 : "Stéphane Mallarmé et Paule Gobillard devant Jeune Fille dans un jardin d’Édouard Manet", 1895, E. Degas, épreuve argentique, tireur : Delphine Tasset (Bourron-Marlotte 1869 - Nice 1944) ou Guillaume Charles Tasset (Lima, Pérou 1843 - Nice 1925)


Photo 1 : "Autoportrait avec Yvonne et Christine Lerolle", 1895, E. Degas, épreuve argentique à partir d'un négatif sur verre au gélatino-bromure d'argent. Tireur ; Delphine Tasset ou Guillaume Charles Tasset
Photo 2 : "Henri Rouart, industriel et collectionneur, chez lui, devant ses tableaux", 1895, E. Degas, épreuve argentique à partir d'un négatif sur verre gélatino-bromure d'argent. Tireur : Delphine Tasset ou Guillaume Charles Tasset
Photo : 3 : "Louise et Daniel Halévy", 1895, E. Degas, négatif sur verre au gélatino-bromure d'argent


Photos 1 et 2 : Cartes postales et enveloppe à l'effigie de Paul Valéry, 1954
Photo 3 : "Autoportrait dans sa bibliothèque", 1895, E. Degas, épreuve argentique d'après un négatif sur verre au gélatino-bromure d'argent


Photo 1 : "Paul Valéry à son bureau", vers 1925, Laure Albin Guillot (Paris 1879 - Nogent-sur-Marne 1962), épreuve gélatino-argentique
Photo 2 : Cahier 140. "an"  29 Novembre 1930 - 7 Janvier 1931, Paul Valéry,cahier manuscrit avec dessins à la plume rehaussés d'aquarelle
Photo 3 : Cahier 117. "
PXXI" Juillet - 21 Septembre 1926, Paul  Valéry, cahier manuscrit avec dessins à la plume rehaussés d'aquarelle


Aujourd'hui conservés essentiellement à la Bibliothèque Nationale de France, les Cahiers de Valéry sont l'entreprise d'une vie. Rédigés sous formes de notes, d'aphorismes, de mots épars, et ornée de dessins à la plume parfois aquarellés, ils forment la part intime de sa production. A côté de ses écrits, très maîtrisés, les cahiers reflètent le cours d'une pensée par nature fragmentaire, et font entrer dans le feu roulant des questionnements de leur auteur.
De même que l'artiste, Degas, écrit des Sonnets, l'écrivain, Valéry, dessine incessamment au fil des pages. Des pages recouvertes d'équations et de formes géométriques reviennent aussi périodiquement.

Photo 1 : Cahier 125. "AA" 1er Juillet - 13 Septembre 1928, Paul Valéry, cahier manuscrit avec dessins à la plume rehaussés d'aquarelle
Photo 2 : Cahier 127. "AB" corrigé en : "AC" 15 Novembre 1928 - 4 janvier 1929, Paul Valéry, cahier manuscrit avec dessins à la plume rehaussés aux crayons de couleur
Photo 3 : Cahier 133. "ag" 15 Octobre - 23 Décembre 1929, Paul Valéry, cahier manuscrit avec dessins à la plume rehaussés d'aquarelle


Photo 1 : "Paul Valéry posant à côté de son buste, sculpté par Renée Vautier", 1934, Boris Lipnitzki (Oster, Ukraine 1887 - Paris 1971), épreuve gélatino-argentique
Photo 2 : "Deux portraits de Paul Valéry", 1921, Pablo Picasso (Malaga, Espagne 1881 - Mougins 1973) lithographie
Photo 3 : "Paul Valéry dans l'appartement du 40 rue de Villejust à Paris" après 1902,Anonyme, épreuve gélatino-argentique


Photo 1 : "Edgar Degas à 72 ans", 1907, Paul Paulin (Chamalières 1852 - Neuilly-sur-Seine 1937), Fondateur : Adrien-Aurélien Hébrard (1865 - 1937), bronze fondu à la cire perdue, patine brun foncé
Photo 2 : "Buste de Paul Valéry" 1934,Renée Vautier (Paris 1989 - paris 1991), bronze
Photo 3 : Cahier 154 Février - Mai 1934, Paul Valéry, cahier manuscrit avec dessins à la plume rehaussés d'aquarelle


Entreprises éditoriales
Dès sa rencontre avec Degas, Valéry projette d'écrire un ouvrage sur le grand peintre. Dans ses Cahiers, tenus au quotidien, il note des propos de l'artiste et des idées inspirées par ses conversations avec lui, qui serviront de base pour son ouvrage rédigé près de quarante ans après leur rencontre. En 1899, il esquisse une idée de titre : "Monsieur D. ou la peinture". Mais ce n'est que vingt ans plus tard, en 1929, qu'il propose au marchand et éditeur de livres d'art Ambroise Vollard un projet de livre sur Degas. Le titre en sera Degas Danse Dessin, très vite abrégé en DDD. Vollard avait connu Degas en 1894, dans sa galerie de la rue Lafitte. Un des experts des ventes de l'atelier de l'artiste, il y fait l'acquisition de très nombreuses oeuvres, dont beaucoup de dessins de danseuses des années 1880-1900. Auteur de textes sur Degas, il est aussi éditeur de son travail, sous forme d'un album de reproductions et d'illustrations de livres : ainsi, il publie en 1934 La maison Tellier de Maupassant avec des monotypes de maisons-closes de Degas.
Il aura fallu huit années de préparation pour que le DDD voie le jour, en 1937 (l'achevé d'imprimer datant de 1936), dans une édition de luxe tirée à 305 exemplaires numérotés et 20 exemplaires hors-commerce, et vendue à un prix élevé. Ce livre constitué d'un dialogue entre le texte et les gravures d'après des dessins de Degas, en vignettes in-texte et en planches hors-texte, est un véritable livre d'art, qui compte parmi ses premiers acheteurs la danseuse Ida Rubinstein et Pablo Picasso.

"La maison Tellier", 1934, Guy de Maupassant (Tourville-sur-Arques 1850 - Paris 1893), Paris : Ambroise Vollard, éditeur
Exemplaire n°259 d'une édition originale tirée à 305 exemplaires sur vélin de Rives numérotés en chiffres arabes et 20 exemplaires hors commerce marqués de A à T, illustrés, d'après les compositions originales en noir et en couleurs de Degas, de 19 gravures sur bois in-texte par Georges Aubert et de la table des hors-texte par Auguste Clot, tirées sur la presse à bras d'Henri Jourde à l'imprimerie Aux deux ours.
Achevé d'imprimer le 25 Décembre 1934 avec une fonte neuve de caractère Grandjean sur les presses de Gilbert Peycelon directeur de l'Imprimerie Nationale.
La 1ère photo est prise à l'exposition et les 2ème et 3ème sont trouvées sur le net car les miennes ne sont pas exploitables.


L'édition originale de Degas Danse Dessinaux éditions Vollard comporte 26 planches hors texte gravées en couleurs par Maurice Potin, dont une placée en frontispice (=
illustration, placée au début d'un livre, généralement sur la fausse page (verso) qui fait face à la page de titre (recto). Elle a un rapport direct avec le livre en question : elle en représente souvent une scène particulière ou propose le portrait de l'auteur). Il s'agit d'une étude de danseuse au tambourin dessinée au pastel par Degas, aux couleurs plus vives que les autres planches, présentées dans la dernière salle de l'exposition).
L'édition se fait non sans difficulté, et est publiée avec plusieurs années de retard : pour compenser ce retard, Vollard accepte que Valéry touche ses droits d'auteur de manière anticipée par rapport au contrat. Le registre de vente du Degas Danse Dessin tenu par Vollard montre que parmi les premiers acheteurs figuraient les artistes pablo Picasso et Georges Rouault.

Photos 1 et 2 : "Danseuse espagnole et études de jambes pour Danseuse au tambourin", vers 1882, E. Degas, pastel sec, crayon noir et graphite sur papier viergé
Photo 3 : "Carnet de dessins", 1927, Paul Valéry, carnet avec dessins à la plume à l'aquarelle


Photo 1 : Cahier 147 2 Août - 18 Octobre 1932, Paul Valéry, cahier manuscrit avec dessins à la plume rehaussés de crayons de couleur.
"LAnge" - m'appelait Degas. Il avait plus raison qu'il ne le pouvait croire. Ange = Etrange, estrange = étranger... bizarrement [...]
Photo 2 : cahier 84. "G" 28 Aoput 1917 - 19 janvier 1918, paul Valéry, cahier manuscrit
Mort d'Edgar Degas, ce 26 7ème 17. Mes dîners chez lui en 19... Zoé. - Vu tout nu dans sa chambre dégoûtant. Il changeait de chemise. Son côté Napolitain... Pantomime et sens de la pantomime. Ce portrait qu'il faisait un soir d'une dame sur l'impériale de l'omnibus, qui s'ajustait et se grattait un peu, reprenait, pose digne, une seconde, rectifiait sa jupe, frottait un bout de nez.
Photo 3 : [...] - Est-ce que vous trouvez que j'ai l'air d'un chien ? c'est Bartholomé qui le dit. Il m'appelait l'Ange. A la mort de l'(oncle' Alexis Rouart, est allé palper le visage du mort.
Dans ces cahiers, Valéry évoque Degas. Sans doute trop bouleversé pour être exact, Valéry se trompe quant à la date de la mort de l'artiste au moment de la consigner : ce n'est pas le 26 Septembre 1917, mais le 27 ; la date publiée dans Degas Danse Dessin (25 Septembre) est elle aussi erronée.


Degas fou de dessin...
Degas, fou de dessin, anxieux personnage de la tragi-comédie de l'Art Moderne," comme l'artiste japonais Hokusï surnommé "vieux fou de dessin" à qui se réfère implicitement Valéry, plaça le dessin au cœur de son art.
"Il se peut que le dessin soit la plus obsédante tentation de l'esprit"
Les ventes de son atelier en 1918 et 1919 révèlent au public l'ampleur de son travail et notamment le nombre vertigineux de dessins accumulés depuis les années de jeunesse, que l'artiste avait pris le soin de garder près de lui au cours de ses successifs déménagements d'ateliers. Suivant le conseil que lui avait prodigué Ingres, il commence par travailler d'après les maîtres en se confrontant à ses prédécesseurs à travers l'exercice exigeant de la copie. Durant son long séjour en Italie, de 1856 à 1859, et en 1860, puis au Louvre et au cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, mais aussi dans des collections privées, il étudie les antiques, les Italiens du XVIIe siècle... Il se nourrit aussi des grands artistes de son siècle dont il collectionne les œuvres, en particulier Ingres et Delacroix.

La figure est son sujet de prédilection : nue, drapée, en mouvement, à travers le portrait, elle est étudiée sous tous les angles par le dessin, à la fois pour préparer ses tableaux et comme exercices autonomes où Degas vise à une forme de perfection dans le fragment : telle étude de nu pour Scène de guerre au Moyen Âge, de draperie pour Sémiramis construisant Babylone ou de visage pour La Famille Bellelli sont de véritables chefs-d’œuvre. Ces feuilles s'articulent entre elles en séries témoignant de la très haute exigence de l'artiste, tout à la fois "travaillé par un souci aigu de vérité" et "possédé d'un génie rigoureusement classique", pour reprendre les mots de Valéry.

"Copie esquissée d'après La Flagellation de Saint André" du Dominiquin (Rome, Oratorio diSant-Andrea presso San Gregorio al Celio) et Portrait d'un homme en buste de trois quarts dans un cadre, feuilles d'études d'après des œuvres conservées au musée du Capitole et à la galerie Doria Pamphils à Rome.
Fin octobre 1856. Plume et encre brune, graphite sur papier, carnet de croquis à couverture en papier épais de couleur brune recouverte d'une toile enduite noire comprenant 46 feuillets.


En 1853, Degas s'inscrit comme copiste au Louvre. Parallèlement, il copie les estampes à la Bibliothèque nationale et les œuvres vues dans les expositions et collections privées. Il remplit albums et carnets de dessins d'après les peintures, sculptures et gravures étudiées sans relâche lors de ses années de formation. En Italie, où il séjourne de 1856 à 1859, puis en 1860, il continue à dessiner dans des carnets des détails d’œuvres d'art, mêlés à des dessins sur le vif (figures, portraits, paysages), dont on trouvera l'empreinte dans ses œuvres ultérieures.

Photo 1 : "Feuille d'études : Tête casquée, profils, d'après l'antique, cheval et scène antique", vers 1860-1862, E. Degas, crayon noir sur papier vélin
Photo 2 : "Portrait de l'artiste, dit aussi Degas au porte-fusain", 1855, E. Degas, huile sur papier marouflé sur toile
Photo 3 : "Études d'ensemble pour Sémiramis construisant Babylone (Paris, musée d'Orsay)", vers 1860-62, E. Degas, graphite sur papier vélin. Graphite, encre brune et lavis sur papier vélin très fin


"Un tableau est le résultat d'une série d'opérations..."
Le modèle de Sémiramis : "Une œuvre était pour Degas le résultat d'une quantité indéfinie d'études, et puis, d'une série d'opérations. Je crois bien qu'il pensait qu'une œuvre ne peut jamais être dite "achevée".

Photo 1 : "Études pour une figure de Séminaris construisant Babylone, nue et drapée", E. Degas, crayon noir et pastel sur papier. Pierre noire sur papier calque très fin contrecollé sur papier vélin
Photo 2 :
"Études pour une figure de Séminaris construisant Babylone, tenant les brides de chevaux", E. Degas, graphite sur papier vélin. Graphite sur papier calque très fin contrecollé sur papier vélin
Photo 3 :
"Études pour une figure de Séminaris construisant Babylone (Paris, musée d'Orsay)" entre 1860 et 1862, E. Degas, pastel et graphite sur papier beige


Voir et tracer
"Il y a une immense différence entre voir une chose sans le crayon dans la main, et la voir en la dessinant. Ou plutôt, ce sont deux choses bien différentes que l'on voit. Même l'objet le plus familier à nos yeux devient tout autre, si l'on s'applique à dessiner : on s'aperçoit qu'on l'ignorait, -qu'on ne l'avait jamais véritablement vu. [...] Je m'avise que je ne connaissais pas ce que je connaissais : le nez de ma meilleure amie..."

Photo 1 : "Giovanna Bellelli, étude pour La Famille Bellelli", vers 1858-1859, E. Degas, fusain fixé et estompe sur papier lavé de rose
Pour préparer le grand portrait de La Famille Bellelli, Degas multiplie les études préparatoires qui, tout à la fois, témoignent de sa manière de travailler et sont de belles feuilles en soi. Pour les portraits de ses nièces, Giovanna et Giulia, l'artiste expérimente différents types de papiers et de médiums, mêlant fusain et crayon, essence (peinture à l'huile délayée de son huile, remplacée par de la térébenthine), gouache, fixatif. Le papier lavé de rose du portrait de Giovanna évoque les papiers préparés des artistes de la Renaissance étudiés par Degas.
Photo 2 : "Giulia Bellelli, étude pour La Famille Bellelli", vers 1858-1859, E. Degas, crayon noir, lavis gris, essence et rehauts de blanc, sur papier crème
Photo 3 : "Six études de bottines de femmes pour La Famille Bellelli" (quatre études au recto et deux études au verso, visibles en transparence), vers 1859-1859), E. Degas, graphie sur papier calque très fin
Photo 4 : "Giulia Bellelli assise sur une chaise, étude pour La Famille Bellelli", vers 1858-1859, E. Degas, graphie, fusain, estompe, rehauts de blanc sur papier vergé


Photo 1 : "Le Baron Gennaro Bellelli, étude pour La Famille Bellelli", vers 1858-1859, E. Degas, crayon noir sur papier vélin
Photo 2 : "Le Baron Gennaro Bellelli dans son fauteuil de dos, étude pour La Famille Bellelli, vers 1858-1859, E. Degas,crayon noir et rehauts de blanc sur papier beige rosé
Photo 3 : "Marguerite de Gas en buste, étude pour le portrait peint de la sœur de l'artiste", vers 1858-1859; E. Degas, crayon sur papier très fin
Photo 4 : "Marguerite de Gas, étude pour le portrait peint de la sœur de l'artiste", vers 1858-1859, E Degas, huile sur toile


Photo 1 : "Marguerite de Gas", vers 1858-1860, E. Degas, huile sur toile
Photo 2 : "Portrait de famille, dit aussi La Famille Bellelli", entre 1858 et 1867, D. Degas, huile sur toile

Du nu
"Degas toute sa vie, cherche dans le Nu, observé sous toutes ses faces, dans une quantité incroyable de poses, et jusqu'en pleine action, le système unique de ligne qui formule tel moment d'un corps avec la plus grande précision, mais la plus grande généralité possible. La grâce ni la poésie apparente ne sont pas ses objets. Ses ouvrages ne chantent guère [...]. Mais lui, essentiellement volontaire, jamais satisfait de ce qui vient du premier jet, l'esprit terriblement armé pour la critique et trop nourri des plus grands maîtres, ne s'abandonne jamais à la volupté naturelle. J'aime cette rigueur".

Études pour Scène de guerre au Moyen Âge,Edgar Degas :

Photo 1 : "Femme nue courant vers la gauche, la tête rejetée en arrière", crayon noir sur papier vélin
Photo 2 : "Femme nue, debout, penchée en avant, cheveux défaits", pierre noire sur papier vélin
Photo 3 : "Femme nue debout", vers 1882-1884, pastel et fusain, mise au carreau sur papier vélin bleu-vert


Photo 1 : "Bassin et étude d'une figure nue allongée", E. Degas, pierre noire sur deux feuilles de papier vélin assemblées
Photo 2 : "Jeune femme nue, étendue sur le ventre", E. Degas, crayon noir et estompe sur papier vélin
Photo 3 : "Femme nue de dos, penchée en avant, vers la droite", graphite sur paper et estompe


"Un désordre de plis"
"J'en reviens au dessin. Je suppose que nous voulions dessiner une de ces choses informes, mais de celles où l'on puisse cependant reconnaître quelques solidarité de leurs parties. Je jette sur une table un mouchoir que j'ai froissé. Cet objet ne ressemble à rien. Il est d'abord pour l’œil un désordre de plis. [...] Mon problème, cependant, est de faire voir par mon dessin, un morceau d'étoffe de telle espèce, souplesse et épaisseur, et d'un seul tenant. Il s'agit donc de rendre intelligible une certaine structure d'un objet qui n'en a point de déterminée."

photo 1 : "Femme drapée, de profil, étude pour Sémiramis construisant Babylone", 1860-1862, E. Degas, graphie, gouache blanche, rehauts d'aquarelle, sur papier bleu.
Les études pour Sémiramis construisant Babylone comportent de nombreuses études de draperies dont une sélection est présentée ici. Dans l'esprit des bas-reliefs de l'Antiquité grecque classique revisités par la renaissance italienne et par Ingres, elles soulignent avec élégance le corps féminin. Parfois, ces draperies semblent prendre une autonomie propre, évoquant "l'informe" décrit par Valéry ce "désordre de plis" auquel l'artiste doit donner une structure au moyen du dessin.
Photo 2 : "Étude de draperie d'une femme de dos, montant dans un char, étude pour Sémiramis construisant Babylone", vers 1860-1862, E. Degas, graphie sur papier
Photo 3 : "Deux femmes vêtues à l'antique", vers 1864-1865, E. Degas, crayon noir et sanguine sur papier moucheté de gris


Photo 1 : "Études pour le portrait de Thérèse, pour Monsieur et Madame Morbilli", vers 1865-66, E. Degas, graphie, pierre noire, craie blanche et estompe sur papier bleu.
Ces dessins préparent le portrait d'une des sœurs de Degas, Thérèse, mariée à Edmond Morbilli. Ils témoignent de l'exigence de l'artiste, soucieux d'étudier chaque détail et d'aborder le portrait de manière originale. Désirant montrer son modèle dans "son pli le plus spécial" (Valéry), Degas donne autant d'importance, sinon plus, aux gestes et aux habits qu'au visage. L'arrondi de la main de la jeune femme posée sur son ventre et les plis bombés de sa robe indiquent de manière subtile qu'elle est alors enceinte.
Photo 2 : "Madame Jeantaud au miroir", vers 1875, E. Degas, huile sur toile
Photo 3 : "Portrait du graveur Desboutin et du graveur Lepic", vers 1876-1877, E. Degas, huile sur toile


Photos 1 et 2 : "Petite danseuse de quatorze ans", E. Degas, Fondeur : Adrien-Aurélien Hébrard (1865-1937)
Entre 1878 et 1881 (modèle), 1921-1931 (fonte). Bronze fondu à la cire perdue, patine brune pour les chairs, blanc crème pour le corsage, rose pour les lèvres et les chaussons, tutu en tulle, ruban de satin.
Avec son museau populacier et se pose provocante, la Petite Danseuse de quatorze ans déchaine les passions à l'exposition impressionniste de 1881. c'est que l’illusionnisme de cette figure modelée en cire (l’œuvre est ici en bronze), ornée de vrais cheveux et de réels atours (corset, tutu, chaussons), choque les contemporains en raison de sa taille quasiment réelle et de son réalisme cruel. Cela renvoie à la misère des "petits rats", forçats de la grâce doucement employés et souvent prostitués. Montrée en 1881dans une cage de verre, tel un spécimen de muséum, la Petite danseuse illustre ce que Valéry appelle "la sensibilité pour la mimique" de Degas, et la manière dont "il s'acharna à reconstruire l'animal féminin spécialisé, esclave de la danse".
Photo 3 : "La Repasseuse", vers 1869", E. Degas, fusain, craie blanche, pastel sur papier
Photo 4 : "Repasseuses", entre 1884 et 1886, E. Degas, huile sur toile


Grimaces du corps
"Il y avait en Degas une curieuse sensibilité pour la mimique. [...] Un désir passionné de la ligne unique qui déterminé une figure, - mais cette figure trouvée dans la vie, dans la rue, à l'Opéra, chez la modiste, - et même en d'autres lieux ; - mais encore, figure surprise dans son pli le plus spécial, à tel instant, jamais sans action, toujours expressive, me résume (tant bien que mal) Degas".

Photo 1 : "Quatre études d'une danseuse", 1878-1879, E. Degas, fusain et rehauts de blanc sur papier rosé. Inscription de la main de Degas au crayon en haut à gauche : "36 rue de Douai maire" il s'agit de Marie Van Goethem, née en 1864, modèle et danseuse, qui est le modèle de la petite danseuse de quatroze ans.
Photo 2 : "Chanteuse de café-concert en buste", vers 1878, fusain et rehauts de blanc sur papier vélin gris
Photo 3 : "Danseuse rattachant sa boucle d'oreille et reprise du bras gauche", vers 1874, crayon noir sur papier vélin fin
Photo 4 : "Femme assise sur le bord d'une baignoire et s'épongeant le cou", entre 1880 et 1895, E. Degas, peinture à l'huile et à l'essence marouflée sur toile
A partir des années 1880 et jusqu'à la fin de sa vie, Degas s'intéresse au thème classique des femmes à leur toilette qu'il renouvelle radicalement. Reniant tout prétexte mythologique ou religieux, il observe ses modèles de manière réaliste, comme à travers le trou d'une serrure, dans des positions non posées, non artificielles, où elles se contorsionnent, "se baignant, se lavant, se séchant, s'essuyant, se peignant ou se faisant peigner" (Degas). Pour dessiner ces figures avec exactitude, le pastel, union du dessin et de la couleur, et le fusain sur calque, qui permet de démultiplier les études, sont parmi ses techniques de prédilection.


Danse et dessin

"Je ne sais pas d'art qui puisse engager plus "d'intelligence" que le dessin. Qu'il s'agisse d'extraire du complexe de la vue la trouvaille du trait de résumer une structure, de ne pas céder à la main, de lire et de prononcer en soi une forme avant de l'écrire ; ou bien que l'invention domine le moment, que l'idée se fasse obéir, se précise, et s'enrichisse de ce qu'elle devient sur le papier, sous le regard, -tous les dons de l'essprit trouvent leur emploi dans ce travail".

Photo 1 : "Danseuse assise, essayant ses pointes", 1878, E. Degas, graphite, estompe, rehauts de blanc sur papier vergé
Photo 2 : "Danseuse en quatrième position", vers 1878-1880, E. Degas, crayon lithographique et monotype sur papier
Photo 3 : "Danseuse à la barre", vers 1872, E. Degas, crayon sur papier vélin fin
Ces dessins étaient montés ensemble dans un même cadre au moment des ventes de l'atelier de Degas. Ils sont présentés ici montés séparément, mais disposés suivant le même ordre qu'en 1919.
Photo 4 : "Le Foyer de la danse à l'Opéra de la rue Le Peletier", 1872, E. Degas, huile sur toile


Photo 1 : "Danseuse se grattant le dos, dit aussi Danseuse vue de profil vers la droite", vers 1873-1874, D. Degas, fusain, pierre noire et rehauts de blanc, mis au carreau sur papier bistre Michaller
Photo 2 : "Danseuse montant un escalier", entre 1886 et 1888, E. Degas, huile sur toile
Photo 3 : "Deux danseuses au repos, dit aussi Danseuses en bleu", vers 1898, E. Degas, pastel sur papier beige et châssis entoilé
En 1898, se tient chez Durand-Ruel une exposition de pastels de Degas dans laquelle Valéry se rend. A propos de ces représentations de danseuses, le jeune homme écrit à son ami l'écrivain André Gide qu'une, en particulier, chose orangée vive, l'a positivement esbroufé". Dans Degas Danse Dessin, pourtant, quasiment aucune mention n'est faite de la couleur des œuvres de l'artiste, si saisissante cependant les pastels tardifs.
Sans doute est-ce que Valéry, tout occupé à faire du peintre "un personnage réduit à la rigueur d'un dur dessin, un spartiate, un stoïcien, un janséniste artiste", ne retient que la force de son trait et sa manière de saisir l'impulsion des corps... que Degas décrit jusque dans l'arrêt, lequel est, stricto sensu,un état particulier du mouvement.


L'état de danse : le mouvement
"La Danse est un art des mouvements humains, - de ceux qui peuvent être volontaires. [...) Nos membres peuvent exécuter une suite de figures qui s'enchaînent les unes aux autres, et dont la fréquence produit une sorte d'ivresse qui va de la langueur au délire, d'une sorte d'abandon hypnotique à une sorte de fureur. L'état de danse est créé."

Photo 1 : "Quatre danseuses vertes", 1899, E. Degas, pastel sur papier
Photo 2 : "Deux danseuses au repos", vers 1910, E. Degas, pastel et fusain sur papier chamois


Danseuses 1921-1931 (fonte)
Retrouvé dans l'atelier après la mort de Degas, un ensemble conséquent de danseuses et de chevaux y demeurait immobile. Ce sont pourtant des figures de danse, instants figés de l'expression même de la vivacité, que le peintre a ici représentées.
Valéry appréciait ce paradoxe : "On voit, dans les ballets, des instants d'immobilisation de l'ensemble, pendant lesquels le groupement des exécutants propose aux regards une décoration fixée mais non durable, un système de corps vivants arrêtés nets dans leurs attitudes et qui donne une image singulière d’instabilité".
Modelées en cire par Degas, ces statuettes ont été fondues en bronze après son décès. Parmi les 150 que comptait l'atelier, seules 73 purent être préservées.

Photos 1 et 2 : "Danseuse regardant la plante de son pied droit, première étude", entre 1882 et 1900, bronze, patine brune
Photo 3 : "Danseuse mettant son bas, deuxième étude", entre 1896 et 1911, bronze, patine brune
Photo 4 : "Danseuse attachant le cordon de son maillot", entre 1882 et 1895, bronze, patine brune


Photo 1 : "Danseuse habillée au repos", entre 1890 et 1911, bronze, patine brune
Photo 2 : "Danseuse, grand arabesque, deuxième temps", 1882-1895, bronze, patine brun clair
Photo 3 : "Danseuse, grande arabesque, troisième temps", entre 1882 et 1895, bronze, patine noire, reflets bruns
Photo 4 : "Danseuse, grande arabesque, troisième temps", entre 1877 et 1896, bronze, patine brune, reflets rougeâtres


Photo 1 : "Danse espagnole", entre 1881 et 1895, bronze, patine noire
Photo 2 : "Danse espagnole", entre 1881 et 1911, bronze, patine noire
Photo 3 : "Danseuse s'avançant les bras levés, première étude", entre 1882 et 1900, bronze fondu à la cire perdue, patine noire, reflets vers


De la Danse

Central chez Degas et dans la perception que nous avons de son art, l'univers de la danse est également capital dans l'ouvrage de Paul Valéry. C'est que l'attachement du peintre à saisir la vérité des corps s'y double de l'enjeu consistant à traduire leur mouvement : âpre tâche que celle de formuler le transitoire et l'instantané, dont la difficulté ne pouvait que séduire le caractère analytique de l'écrivain, mû par un constant désir de décrypter les mécanismes des réalités qui l'entouraient.
Degas s'y confronte, tout au long de sa carrière, dans une grande variété de médiums. Tantôt il cherche la structure des formes dans des dessins synthétiques ou quelques lignes disent l'intention d'un corps, tantôt il donne à la couleur le rôle d'exprimer l'impulsion et la grâce de ses sujets, que Valéry s'aventure à comparer aux formes éthérées de certains animaux marins. Mais sans doute est-ce à la cire, devenue bronze quand furent fondues les silhouettes qui peuplaient l'atelier, au lendemain de la mort de l'artiste, que Degas a conféré le plus grand élan. Associées les unes aux autres par l'enchaînement de leurs mouvements ses figures de danseuses semblent n'en former qu'une seule à divers instants de s progression, dont la rétine aurait préservé l'allant décomposé. Cela ne manque pas d'évoquer les recherches contemporaines des photographes puis des pionniers du cinéma, que la danse aussitôt conquerra.

Photo 1 : "Danseuse assise sur une chaise, de trois quarts à droite, étude pour La Leçon de danse" (Washington, national Gallery of Art), vers 1879, E. Degas, fusain, estompe et rehauts de blanc à la gouache, mise au carreau sur papier anciennement gris bleuté, décoloré
Photo 2 : "Danseuse assise vue de profil vers la droite", E. Degas, crayon noir, rehauts de blanc sur papier vélin rose décoloré
Photo 3 : "Danseuses, dit aussi Groupe de danseuses", entre 1884 et 1885, E. Degas, pastel sur papier


Méduses
"Mallarmé dit que la danseuse n'est pas une femme qui danse, car ce n'est point une femme, et elle ne danse pas. [...] La plus libre, la plus souple, la plus voluptueuse des danses possibles m'apparut sur un écran où l'on montrait de grandes méduses : ce n'était point des femmes et elles ne dansaient pas. [...] Là, - dans la plénitude incompressible de l'eau qui semble ne leur opposer aucune résistance, ces créatures disposent de l'idéal de la mobilité, y détendent, y amassent leur rayonnante symétrie. Point de sol, point de solides pour ces danseuses absolues ; point de planches ; mais un milieu où l'on s'appuie par tous les points qui cèdent vers où l'on veut."

Photo 1 : "Danseuses bleues", vers 1893-1896, E. Degas, huile sur toile
Photo 2 : "Danseuse assise se massant le pied", entre 1881 et 1883,E. Degas, pastel sur papier marron contrecollé sur carton
Photo 3 : "Danseuse au bouquet, saluant sur la scène", 1878, E. Degas, pastel sur papier marouflé sur toile


Du sol et de l'informe
"Degas est l'un des rares peintres qui aient donné au sol son importance. Il a des planchers admirables. Parfois, il prend une danseuse d'assez haut, et toute la forme se projette sur le plan du plateau, comme on voit un crabe sur la plage."

Photo 1 : "Fin d'arabesque", 1877, E. Degas, peinture à l'huile et à l'essence, reprises pastel sur toile
La peinture de Degas se caractérise par d'incessants jeux sur  la manière dont le sujet est regardé. Vu en surplomb, en contre-plongée ou encore tronqué, il est saisi dans une forme d'immédiateté qui renseigne autant sur ce qui est représenté que sur la manière dont la scène est observée : depuis un balcon ou un fauteuil d'orchestre pour les  scènes de ballet, ou à travers le trou de la serrure, comme le veut l'expression consacrée, pour les femmes à leur toilette.
Valéry a intelligemment perçu l'importance du sol dans cette réflexion sur la perception. De manière peu conventionnelle, la place des planchers s'en trouve radicalement accrue, accentuant un déséquilibre savant qui ne nous surprend plus mais reste bien présent.
Photo 2 : "La Classe de danse", commencé en 1873, achevé en 1875-1876, E. Degas, huile sur toile


Cheval, danse et photo
Inspiré par le vers de Degas décrivant le cheval "tout nerveusement nu dans sa robe de soie", Valéry estime que "nul animal ne tient [...] de l'étoile du corps de ballet comme un pur-sang en parfait équilibre". Et de fait, l'équidé se trouve, sous le crayon de l'artiste, paré des mêmes qualités que les ballerines : léger, aérien, nerveux enfant, il virevolte ici et se cabre là, comme s'il exécutait quelque figure devant l’œil de ceux qui l'admirent pour sa beauté et sa vivacité.
Mais il y a plus : pour une époque passionnée par le mouvement comme le fut le XIXe siècle, le cheval est un merveilleux sujet, et ses apparitions sont légion dans les dispositifs optiques qui fleurissent tout au long de la période et se dédient à l'image animée avec une inventivité renouvelée. Phénakistiscopes, zootropes, praxinoscopes et autres jouets optiques, que Baudelaire comptait parmi les "joujoux scientifiques" et qui furent largement diffusés, recomposent la course de l'animal en se jouant de sa vélocité, tandis que les travaux scientifiques sur la locomotion des êtres vivants menés par Muybridge et Marey, que Degas connaissait, précisent l'enchaînement de ses mouvements en s'appuyant sur l'exactitude de l’œil photographique.
Aussi n'est-il pas étonnant que Valéry, qu goûtait par ailleurs tout particulièrement les clichés de Degas, ait trouvé quelque parenté dans son œuvre avec ces recherches dont l'invention du cinématographe a constitué un sommet.

"Chevaux", 1921-1931 (fonte, E. Degas, Fonte à la cire perdue : Adrien-Aurélien Hébrard (1865-1937)

Photo 1 : "Cheval marchant au pas relevé" 1865-1881, bronze, patine brune, f=reflets rougeâtres
Photo 2 : "Cheval se cabrant", entre 1865-1890, bronze, patine brune, reflets rougeâtres sous le ventre
Photo 3 : "Cheval faisant une descente de main", entre 1865-1895, bronze, patine brune et vert orangé sous le ventre
Photo 4 : "Cheval se dressant", entre 1865-1890, bronze, patine brun-rouge, effets jaunes sur la terrasse


Photo 1 : "Cheval au galop sur le pied droit. Jockey", entre 1865-1900, bronze, patine brune, reflets rougeâtres et patine noire
Photo 2 : "Cheval à l'arrêt", 1865-1881, bronze, patine rougeâtre
Photo 3 : "Cheval à l'abreuvoir", entre 1865-1868, bronze, patine brune


Photo 1 : "Cavalier en habit rouge, étude pour Départ pour la chasse", 1873, E. Degas, pastel, peinture à l'essence et à l'huile, rehauts de blanc sur papier rose
Photo 2 : "Jockey à cheval, vu de dos, et deux chevaux", vers 1868, E. Degas, graphite, crayon noir sur papier calque contrecollé sur carton
Photo 3 : "Deux chevaux de profil, vers la gauche, et figure, étude pour Sémiramis construisant Babylone", vers 1860-1862, E. Degas, crayon noir sur papier vélin teinté dans la masse
Photo 4 : "Le Champ de courses, Jockeys amateurs près d'une voiture", entre 1876 et 1887, E. Degas, huile sur toile


Photo 1 : "Jockey à cheval de dos", vers 1889, E. Degas, crayon noir sur papier calque
Photo 2 : "Deux études de cavaliers", 1875-1877, E. Degas, lavis de peinture noire à l'huile, rehauts de peinture blanche à l'huile et jus d'huile ou de vernis sur papier.
Dans ce dessin réalisé au pinceau sur un papier imprégné d'huile, Degas parvient à un équilibre entre la ligne, puissamment synthétique, du cheval, et le visage du jockey peint avec un réalisme quasi photographique.
Photo 3 : "Course de gentlemen. Avant le départ", 1862, repris partiellement vers 1882, E. Degas, huile sur toile


Cheval, danse et photo
"Les clichés de Muybridge rendaient manifeste les erreurs que tous les sculpteurs et les peintres avaient commises quand ils avaient représentés diverses allures du cheval. On vit alors combien l’œil est inventif [...]. Toute une série d'opérations mystérieuses entre l'état de taches et l'état de choses interviennent [...], nous imposent des continuités, des liaisons, des modes sous les noms d'espaces, de temps, de matière et de mouvements".

Photo 1 : "Praxinoscope Reynaud", vers 1878, Emile Reynaud (Montreuil 1844 - Ivry-sur-Seine 1918), douze miroirs prismatiques au centre d'une couronne, pied en bois tourné, bougie, abat-jour en papier chromolithographié et toile
Photo 2 : "Les allures du cheval", 14 Décembre 1878, revue La Nature, n°289, Gaston Tissandier (Paris 1843 - Paris 1999)
Les travaux de l'Anglais Edweard Muybridge menés dans les années 1870 sur la décomposition du mouvement des corps humains et animaux a eu un très large retentissement. En France, leur diffusion a débuté en 1878,et a été associée aux travaux de nature similaire poursuivis concomitamment par le Français Etienne-Jules Marey.
Une référence inscrite en 1879 dans un carnet de Degas permet de penser qu'il a eu connaissance des deux articles dédiés aux travaux de Marey et de Muybridge parus dans le bimensuel scientifique La Nature en 1878. Ce n'est cependant qu'parès 1887 et la publication de la somme rassemblant les clichés de Muybridge, Animal Locomotion, que Degas amende sa manière de représenter les chevaux pour être plus fidèle au réel - avant de s'en détacher sciemment plus tard dans sa carrière.


"Degas Danse Dessin", 1936, Paul Valéry (Sète 871 - Paris 1945) - Paris : Ambroise Vollard, éditeur
"J'accompagnerai ces images d'un peu de texte que l'on puisse ne pas lire, ou ne pas lire d'un trait, et qui n'ait avec ces dessins que les plus lâches liaisons et les rapports les moins étroits" écrit Valéry dans Degas Danse Dessin. "Ces images" sont des "in-texte", petits dessins en noir et blanc placés dans le texte de Valéry, et des "hors-texte", en feuilles libres, gravés par Maurice Potin d'après des dessins originaux de Degas.
Un sommaire accompagne le livre, indiquant la place possible de ces planches hors-texte dans les chapitres. On ne sait si Valéry a eu un rôle dans le choix des images mais il est probable que la sélection vienne plutôt de Vollard car toutes ces études, sauf une, proviennent de sa collection personnelle. Vingt d'entre elles avaient été achetées par le marchand éditeur lors des ventes de l'atelier Degas en 1918 et 1919, à un prix modique. Il s'agit surtout d'études au fusain ou au crayon noir, parfois rehaussés de pastel, de danseuses et de femmes à leur toilette, réalisées par Degas entre 1850 et 1900.







Photo 1 : "Edgar Degas très vieux sur son lit, visage de face", vers 1915, Jeanne Fèvre, épreuve organique
Photo 2 : "Étude de mains, pour La Famille Bellelli", vers 1859-1860, E. Degas, huile sur toile
Photo 3 : "Portrait, tête appuyée sur la main", entre 1882 et 1895 (modèle) 1921-1931 (fonte), E. Degas, bronze fondu à la cire perdue, patine brune, reflets verts


"Il meurt en ayant trop vécu, car il meurt après sa lumière"

Crépuscule et Final
"Ce 25 Septembre 1917, j'apprends la mort de Degas"

"Femme se lavant dans sa baignoire", vers 1892, E. Degas, carton, crayon Conté, crayon noir, sanguine, crayon jaune






 





Maurice Rodin d'après Edgar Degas :



Source :
Visite sur place

Ecrit par Balkiara, le Lundi 26 Février 2018, 22:16 dans la rubrique "Journées Culturelles".

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Commentaires

dragonia

dragonia

27-02-18 à 11:07

c'est une vraie "séance de rattrapage" pour ceux qui n'ont pas pu voir l'expo, il ne manque vraiment pas grand chose par rapport à ce qu'on a vu, c'était tout à fait passionnant.
j'ai appris pas mal de choses, notamment je ne savais pas que Degas s'était autant intéressé à la façon dont l’œil percevait le mouvement, surtout pour les chevaux


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