André CHENIER
André CHENIER est né le 30 Octobre 1762 à Constantinople, d’une mère grecque et d’un père français. Dès l’adolescence, il s’intéresse à la poésie classique. A son retour en France, il fréquentera les milieux littéraires et les salons aristocratiques.
Il fut arrêté le 7 mars 1794 et guillotiné le 20 ou 25 juillet (selon les sites la date est différente), comme "ennemi du peuple", par confusion avec les chefs d’accusation pesant sur son frère.
Alors qu’il emprisonné à Saint Lazare et attend son jugement, il prête sa plume à Aimée Franquetot de Coigny et écrit une ode : "la jeune captive".
Lorsque j’étais adolescente, j’adorais ce poète et particulièrement cette poésie.
L’épi naissant mûrit de la faux respecté;
Sans crainte du pressoir, le pampre, tout l’été
Boit les doux présents de l’aurore;
Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui,
Quoi que l’heure présente ait de trouble et d’ennui,
Je ne veux pas mourir encore.
Qu’un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort :
Moi je pleure et j’espère. Au noir souffle du nord
Je plie et relève ma tête.
S’il est des jours amers, il en est de si doux !
Hélas ! quel miel jamais n’a laissé de dégoûts ?
Quelle mer n’a point de tempête?
L’illusion féconde habite dans mon sein.
D’une prison sur moi les murs pèsent en vain,
J’ai les ailes de l’espérance :
Échappée aux réseaux de l’oiseleur cruel,
Plus vive, plus heureuse, aux campagnes du ciel
Philomèle, chante et s’élance.
Est-ce à moi de mourir ? Tranquille je m’endors,
Et tranquille je veille, et ma veille aux remords
Ni mon sommeil ne sont en proie.
Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux ;
Sur des fronts abattus, mon aspect dans ces lieux
Ranime presque de la joie.
Mon beau voyage encore est si loin de sa fin !
Je pars, et des ormeaux qui bordent le chemin
J’ai passé les premiers à peine.
Au banquet de la vie à peine commencé,
Un instant seulement mes lèvres ont pressé
La coupe en mes mains encor pleine.
Je ne suis qu’au printemps, je veux voir la moisson ;
Et comme le soleil, de-saison en saison,
Je veux achever mon année.
Brillante sur ma tige et l’honneur du jardin,
Je n’ai vu luire encor que les feux du matin ;
Je veux achever ma journée.
O Mort! Tu peux attendre; éloigne, éloigne-toi ;
Va consoler les cœurs que la honte, l’effroi,
Le pâle désespoir dévore.
Pour moi Palès encore a des asiles verts,
Les Amours des baisers, les Muses des concerts ;
Je ne veux pas mourir encore.
Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois
S’éveillait, écoutait ces plaintes, cette voix,
Ces vœux d’une jeune captive;
Et secouant le faix de mes jours languissants,
Aux douces lois des vers je pliai les accents
De sa bouche aimable et naïve.
Ces chants, de ma prison témoins harmonieux,
Feront à quelque amant des loisirs studieux
Chercher quelle fut cette belle.
La grâce décorait son front et ses discours,
Et, comme elle, craindront de voir finir leurs jours
Ceux qui les passeront près d’elle.
Ecrit par Balkiara, le Dimanche 24 Décembre 2006, 01:08 dans la rubrique "L'Art".